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Révisions BAC Francais PS4 Sion 2010
24 janvier 2010

1ER OBJET D'ÉTUDE : LA POÉSIE. Texte 4

Texte 4

Jules Supervielle, «Marseille»

Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche ses coquillages et l'iode
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d'eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes de maintenant avec leurs yeux de phoshore,
Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs alcools,
Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le soleil pense tout haut, c'est une grande lumière qui se mêle à la conversation,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des torrents dans la montagne,
Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un peu dans la rue,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles.
Et la lune est un singe échappé au baluchon d'un marin
Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
Marseille, écoute-moi, je t'en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
O toi toujours en partance
Et qui ne peux t'en aller,
A cause de toute ces ances qui te mordillent sous la mer.

Lecture Analytique

 

I) Évocation de Marseille

1) Une ville portuaire

 Dès les premiers mots, on va au-delà de la vue prosaïque d'une ville portuaire par l'allégorie
« Marseille sortie de la mer », cf.  Vénus sortant de l'onde dignité du mythe antique, mais aussi surgie dans l'imagination du poète
- soudaineté du surgissement il est exprimé immédiatement, par les deux premiers mots du texte, et la phrase nominale  le poète ne prend pas le temps de construire une phrase pour nous livrer, tous les éléments de ce surgissement. -
l'allégorie - empêche immédiatement de prendre dans un sens platement descriptif les éléments les plus simples : puisqu'elle est « sortie de la mer », les poissons et les coquillages ne sont pas seulement aux étalages du marché, ils sont en elle comme si elle était la mer.
2)Une agitation heureuse

Cette idée se construit à mesure qu'apparaissent des éléments appartenant de plus en plus au milieu marin et qui sont de plus en plus étonnants dans l'ordre de la raison:« l'iode » : milieu marin, mais l'iode est en effet présent dans l'air au bord de la mer. « les mâts en pleine ville » : impression d'optique, mais traduite d'une façon qui va au-delà de la réalité; ils sont au centre de la ville (insistance par « en pleine.,. »), à peine distincts des passants: monde humain habité par la mer, envahi par elle (« disputent les passants »).« les tramways avec leurs pattes de crustacés» - image dérivée, non pas directement de la réalité comme là précédente mais du rapprochement entre une réalité, les caténaires ou perches des tramways ou trolleys, et l'image obsédante de la mer; jamais sans cette dernière des tramways n'auraient été comparés à des crustacés.  De plus, « luisants d'eau marine »ajoute une notation de matière aux impressions visuelles seules représentées jusqu'alors.- « les chaises frétillantes » : devenues poissons.« cela » vague, et précédé par une longue énumération, donne l'impression d'une transformation inexprimable tant elle est vaste. « yeux de phosphore » : transformation suffisamment profonde pour donner aux humains cette apparence mystérieuse ,d'une lumière venue d'ailleurs et du plus profond d'eux-mêmes: phosphorescence.
3) Réalité

Mais les yeux de phosphore sont mis par l'énumération sur le même plan que les objets du café, comme s'ils n'étaient pas plus étonnants, et l'expression « hommes et femmes de mainte­nant» insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'on ne sait quelle histoire légendaire, mais bien d'une réalité actuelle et quoti­dienne, absence d'emphase pour dire que le poète cherche à transmettre honnêtement une vision qui s'impose à lui  Simpli­cité et actualité d'autant plus étonnantes quelles voisinent avec l'image du premier vers, inspirée de l'Antiquité, et avec quantité d'images en elles-mêmes étonnantes  d) Le thème une fois rigoureusement établi dans la première partie, la présence de la mer dans la ville est rappelée dans la suite du texte et ce dans tous les domaines. Lune- singe échappé au «balluchon d'un marin» (homme);
rappel de l'élément naturel et liquide par les torrents (nature); (2e partie du texte) « toutes ces ancres qui te mordillent » (objet); « en partance » (acte)
Mais en peut se demander avec ces exemples si c'est la nature qui envahit le monde humain ou l'inverse "et la lune est un singe" la phrase, pourtant avant tout descriptive: l'ombre typique du marin portant singe et balluchon se détache sur la toile de fond que forme l'astre lunaire,   suggère que le marin a mis la lune au nombre des bibelots exotiques en sa possession ; de même, ces ancres « qui mordillent » sont après tout le signe de la présence des hommes qui ont équipé et ancré les navires, et le verbe lui-même fait de l' homme un animal mi-carnassier, mi­ amoureux , prenant possession de la ville -mer .

 

II) La dimension symbolique - la nature

1)La mer

 « Le beau rendez-vous de vivants» : en plus de l'évocation des rencontres humaines favorisées par une ville portuaire, transfiguration du geste humain qui grandit l'huma­nité jusqu'à lui permettre de prendre possession de l'espace «qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel». Le mot employé est « vivants » et non « hommes » : préparation de l'hymne -à la vie de la seconde partie.
 
2) Les images de lumière

 « Le soleil pense tout haut » : contagion de l'enflure verbale méridionale, mais surtout puissance d'une pensée: interprétation développée par les expressions qui font du soleil un être quotidien (« mêle à la conversation »  et quelque peu brouillon «les bouscule un peu»: Le ­prosaïsme de cette dernière expression complétant -la vision humanisée du soleil). La seconde interprétation se développe dans « les pousse sans un mot du côté des jolies filles » : façon plaisante, en même temps, de rappeler l'une des activités obligées d'un port et de la replacer dans la logique du texte où la vie humaine est louée sans mépris pour aucun de ses aspects ; l'adjectif « jolies » enlève au mot « filles » ce qu'il aurait eu, surtout en 1927, de péjoratif - synonyme possible de prostituées.
 
3) Humanisation du cosmos 

Cosmos qui « bouscule » les êtres , mêle, les éléments (l'eau et le feu- soleil et torrents - le ciel) constitutifs de la vie(eau, air et feu )
  qui montre l'amour sans pudeur, en pleine lumière: gorge des femmes , « les pousse du côté des jolies filles »). « Les cafés enfantent sur le trottoir » : la vie qui naît d'un être inanimé (café), symbiose entre les êtres et les lieux. Impression de profusion.
 4) Joyeux désordre

Rendu perceptible par l'éclatement de la syntaxe: l'évocation de Marseille semblait devoir se faire sous forme de phrase nominale, ou bien on pouvait attendre un verbe principal dont Marseille aurait été le, sujet, mais le vers 3 apporte une rupture de construction avec l'introduction d'un autre sujet; rupture soulignée par la coordi­nation ð qualifications nominales de Marseille . l'utilisation du vers libre.- un seul vers parmi les plus longs du texte pour des réalités quotidiennes apparemment futiles (v. 6 « Leurs verres... »);
 -vers le plus long du texte (v. 5) pour l'image de la foule accompagnée de l'idée de naissance.
 Impression générale d'abondance (vers en général longs).
  5
) Hymne à la vie complété.
 - par cette impression d'abondance nombreuses énuméra­tions, longues pour certaines et syntaxe utilisant beaucoup la coordination « et ».
 - par le grand nombre de termes exprimant le mouvement: impression de foule grouillante « qui disputent », « un bruit de pieds et de chaises frétillantes » mais aussi mouvement fort et continu (« les pousse sans un mot... »).
 - par une impression de plénitude partage du ciel complété par « c'est une grande lumière».
 -par une impression de joie: « le beau rendez-vous», « frétillantes », « réjouit », ajoutée au simple plaisir de la fan­taisie: les tramways- crustacés , la lune- singe .

 

III)Prière à Marseille

1) Constatations
 - changement syntaxique paroles adressées à Marseille, et métrique : pour la première fois vers plus courts et où l'on reconnaît mieux des structures poétiques plus traditionnelles.
 -images d'inquiétude, d'une agitation sans effet. Contraire­ment aux mouvements puissants des deux premières parties « Marseille sortie de la mer», ou le soleil qui pousse les nouveaux venus), « reste tranquille », « sois attentive », « toi... qui ne peux t'en aller »,« te mordillent »;
 -changement de ton et d'atmosphère - confidence, « dou­ceur » secret : « te prendre dans, un coin », fermeture :bar­reaux, nuit, désir, d'immobilité : opposition avec le grandiose, le bruit, la pleine lumière, qui précèdent;
 -insatisfaction du poète et de Marseille «je t'en prie »« Toi... qui ne peux t'en aller. »
  2
) Interprétation.
 C'est l'entrée en scène du poète, il se fait personnage du poème pour dialoguer avec sa création.
 -Ici, puissance mais aussi raisons d'inquiétude pour le poète - voici que sa, création est capable de le regarder «que nous nous regardions »). Cf. mythe de Pygmalion (légende grecque : Pygmalion s'éprenant d'une statue qu'il vient de sculpter, la voit devenir vivante sous ses yeux.)
 - Cette inquiétude, ce sentiment d'insatisfaction (que faire de ces images après les avoir fait naître?) amène un autre sentiment, l'attendrissement ðimage de femme-enfant et désir de douceur, et retour à l'ordre et à la les turbulences de la création (deux premières parties)
 - besoin d'immobilité. Les images foisonnent et bougent, mais le travail du poète consiste à les fixer: comment fixer sans le détruire ce qui, est mouvant? et malgré la présence possible d'une autre inquiétude (angoisse existentielle devant la fuite du temps peut-être perceptible dans toujours en partance »), Supervielle sait conserver une attitude d'humour: le texte se termine, non sur une image dramatique mais sur le verbe mordiller: familiarité et tendresse.

 

 

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